Alcool et cancer

Alcool et cancer ou la rencontre bipolaire improbable

Préambule.

Parler d’alcool est un sujet explosif, tabou ou poussant au déni, qui entraîne une confrontation assurée entre des avis diamétralement opposés pour des raisons très différentes. En dépit d’une histoire de l’humanité et de l’alcool qui remonte à plusieurs millénaires, la science n’a pas réussi à concilier l’inconciliable. Pourtant l’alcool est un nutriment tout ce qu’il y de plus naturel. Déjà le genre homo cueilleur, sans doute Lucy il y a 6 millions d’années, appréciait consommer des baies fermentées à l’instar des autres animaux de l’Afrique subsaharienne. Mais les temps ont bien changé. Il est considéré que 16 000 décès par an sont associés à la consommation d’alcool (1).

Les effets de l’alcool (ou éthanol) sur l’organisme sont multiples : – c’est une molécule calorique tout comme le sont le sucre ou les graisses ; – il agit sur des récepteurs cérébraux en altérant la vigilance et l’humeur ; – il accélère le vieillissement tissulaire (ex. fibrose puis cirrhose du foie) ; – en devenant pro-oxydant il génère des radicaux libres toxiques * pour les cellules en favorisant l’apparition de cancers ; – il a des propriétés d’accoutumance, d’où le phénomène d’addiction ;- il présente des risques chez le foetus. De tous ces effets, on va le voir ci-dessous, la dose et la répétition (exposition) sont les facteurs majeurs de toxicité.

Type de boisson /  Contenu en alcool
Un verre de vin / 10,8 g
Une canette de bière / 13,2 g
Une bolée de cidre / 8 g
Un verre de Whisky / 30 g
Un verre de liqueur / 15,1 g
Un verre de Calvados / 30 g

* Une distinction doit être faite pour le vin, riche en tanins à propriétés antioxydantes. Un anti-oxydant se caractérise par sa propriété à piéger les radicaux libres générés par des substances pro-oxydantes comme l’éthanol. Et donc, diminuer les risques de génotoxicité.

Pour les buveurs de plus de 60 g d’alcool par jour (2):

cavité buccale (risque multiplié par 6.4)
pharynx (risque multiplié par 6)
larynx (risque multiplié par 3.8),
oesophage (risque multiplié par 3.6)
cancer du foie (risque multiplié par 1.8).
cancer du sein (risque multiplié par 1.35)
cancer du colon et du rectum (risque multiplié par 1.2).

Enseignements.

La consommation de boissons alcoolisées est un phénomène de nos sociétés occidentales lié à notre civilisation majoritairement judéochrétienne et méditerranéenne. Faut-il l’interdire, ou prôner l’abstinence ?

Devant l’alcool les individus ne sont pas égaux : leur patrimoine génétique, leur genre, leur corpulence, l’environnement, le contexte social, familial et psychologique, etc, sont des facteurs prépondérants. Une personne qui ressent un risque d’addiction doit devenir abstinente.

À ce jour, le discours des pouvoirs publics reste dans la modération : « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. Consommer avec modération », ou encore <<Même en faible quantité une consommation de boissons alcoolisées peut avoir des conséquences graves pour la santé de l’enfant >>. Les seuils définis par l’Organisation Mondiale de la Santé sont les suivants : pas plus de 21 verres par semaine pour l’usage régulier chez l’homme (3 verres/jour en moyenne) ; pas plus de 14 verres par semaine pour l’usage régulier chez la femme (2 verres/jour en moyenne). Jamais plus de 4 verres par occasion pour l’usage ponctuel (3). L’OMS recommande également de s’abstenir au moins un jour par semaine de toute consommation d’alcool. En matière de sécurité routière, depuis septembre 2019.

(4), le seuil maximal d’alcoolémie autorisé est fixé à 0,50 g/l de sang, soit 2 verres chez une femme de 60 kg de poids corporel ou 3 verres chez un homme de 70 kg de poids corporel. Pour les jeunes conducteurs la limite est de 0,20 g/l de sang.

Alcool et cancer.

La littérature et les statistiques rapportent que l’alcool favorise chez l’homme la survenue de cancers de la bouche, du pharynx, du larynx, de l’oesophage et du côlon-rectum. Chez la femme : du foie, du colon-rectum, et du sein chez la femme pré- et post-ménopausée (5). Cependant des publications peuvent être contradictoires : ex. le rapport de l’INCa de 2009 considérant qu’il n’y a pas de seuil de risque, où le danger existe dès le premier verre (6), ou bien la courbe en J de l’équipe de Serge Renaud (7) qui indique qu’une consommation modérée de vin montre un risque relatif inférieur par rapport aux abstinents.

Message.

Ne pas forcer quelqu’un qui n’a pas envie de boisson alcoolisée.

Respecter les abstinents. Pour les autres, concilier le plaisir d’échanger autour d’un verre ou à l’occasion d’un repas, avec une consommation modérée.

Références

  1. <https://www.e-cancer.fr/Comprendre-prevenir-depister/Reduire-les-risques de- cancer/Alcool>
  2. <https://www.oncoprof.net/Generale2000/g02_Prevention/g02_p04.php>
  3. <<http://www.ama.lu/alcool_oms.php>>
  4. <https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2881>
  5. P-H Duée, M Gerber, P Latino-Martel, N Latruffe, N Pecollo. Nutrition et cancer. Rapport d’expertise collective, ANSES, mai 2011
  6. Rapport de l’INCa, 17 février 2009
  7. Renaud SC, Guéguen R, Schenker J, d’Houtaud A. Alcohol and mortality in middle-aged men from eastern France. Epidemiology. Mar;9(2):184-8, 1998

Norbert Latruffe

Professeur Émérite à l’Université de Bourgogne, Dijon

Chercheur bénévole au laboratoire de Biochimie

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