Cancers, lumière artificielle et écrans

Durant ces trente dernières années, les écrans d’ordinateurs ont envahi les lieux de travail et de vie. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), plusieurs centaines de millions de postes sont actuellement en usage dans le monde (1).

Les circuits électroniques des téléviseurs produisent des champs électriques et électromagnétiques de basse et haute fréquence. Alors que ces derniers sont souvent au premier rang des accusés, en 1997, le Conseil national de la recherche des Etats-Unis a conclu que l’exposition aux champs magnétiques détectés dans l’environnement domestique ne présentait pas de danger pour la santé car l’émission de ces rayonnements par les écrans  reste bien en dessous des normes autorisées.

On savait que la lumière bleue et la lumière artificielle étaient nocives pour les yeux, ainsi que pour la qualité du sommeil, une étude réalisée sous la direction du Barcelona Institute for Global Health (ISGlobal) (2) rapporte que les deux sources rythme circadien et lumière bleue sont associées au risque d’avoir un cancer du sein et/ou de la prostate.

L’équipe espagnole a évalué entre 2013 et 2018 l’association entre l’exposition à la lumière artificielle pendant la nuit et les risques de cancer du sein et de la prostate. L’étude a porté chez environ 4000 personnes de 20 à 85 ans dans 4 groupes : 1219 cas de cancer du sein, 1385 femmes contrôles, 623 cas de cancer de la prostate et 879 hommes contrôles de 2 régions d’Espagne, Barcelone et Madrid. Les informations personnelles ont été obtenues à partir de questionnaires. Les informations extérieures proviennent des images de spationautes de l’ISS (Station Spatiale Internationale), enregistrées entre 2012 et 2013, incluant les données sur l’intensité de la lumière et le champ spectral dans la lumière bleue.

Il en ressort que l’exposition à la lumière bleue est associée au cancer du sein avec un « odds ratio » (rapport des chances ou risque relatif rapproché) à 95% d’intervalle de confiance, de 1,47 et de 2,05 pour le cancer de la prostate à Madrid et de 2 à Barcelone. Ceux qui sont exposés à la plus forte densité de lumière comparée à la plus faible se rapprochent des cas contrôles pour le cancer de la prostate.

En comparaison avec le sommeil dans l’obscurité, les hommes qui dorment dans une chambre éclairée en lumière artificielle dans le spectre du visible ont plus de risque de développer un cancer de la prostate (OR 2,79) alors que les femmes ont un risque plus faible pour un cancer du sein (OR 0,77). Rappelons que la lumière supprime la production de mélatonine, un anti-oxydant qui a un effet bénéfique dans le traitement du cancer du sein.

Pour obtenir davantage d’explications, d’autres études devraient inclure plus de données individuelles grâce à des capteurs de lumières pouvant mesurer les niveaux de lumière intérieure. Il serait particulièrement intéressant d’effectuer ce type de recherche sur des jeunes qui utilisent beaucoup les écrans émettant de la lumière bleue.

Étant donné l’omniprésence de la lumière artificielle la nuit et aussi l’usage de l’ordinateur déjà très développé et qui s’est accru de manière spectaculaire avec le télétravail, accentué par la pandémie du Covid-19, déterminer s’ils augmentent ou non le risque de cancer est un problème de santé publique.

En conclusion,

– la lumière bleue des écrans favoriserait le cancer du sein et de la prostate

– le risque de développer un cancer du sein ou de la prostate est deux fois plus élevé chez les personnes exposées à de la lumière bleue ou artificielle.

– l’utilisation de portables à écrans lumineux qui produisent de la lumière de type LED (« light-emitting diode ») peuvent avoir un effet négatif sur la production de mélatonine en particulier s’ils sont utilisés avant le coucher.

Références

1« https://www.doctissimo.fr/html/sante/mag_2000/mag0908/sa_2262_ordinateur.htm# »

2 Garcia-Saenz, A. et al. “Evaluating the Association between Artificial Light-at-Night Exposure and Breast and Prostate Cancer Risk in Spain (MCC-Spain Study).” Environmental health perspectives vol. 126,4 047011. 23 Apr. 2018, doi:10.1289/EHP1837

 

Norbert Latruffe

Professeur Émérite à l’Université de Bourgogne, Dijon

Chercheur bénévole au laboratoire de Biochimie

 

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