Manger bio et cancer ?

Chronique 25. Manger Bio protège-t-il contre le cancer ?

Deux communautés divergent sur les effets ou non des pesticides de l’alimentation.

D’une part, les agences de sécurité sanitaires qui considèrent qu’il n’y a pas de danger, et d’autre part, les scientifiques qui affirment que des faibles doses de contaminants dans l’alimentation sont toxiques, en raison d’expositions répétées, et peuvent provoquer des cancers, comme le relate un grand quotidien (1).

D’un autre côté on connaît les bienfaits de l’alimentation de type méditerranéen à base de fruits, de légumes, de fibres, d’huile d’olive et de boissons riches en anti-oxydants naturels… dans la prévention de cancers. Aussi, comment savoir si les produits « Bio » (appelés organic en anglais) réduisent les risques de cancer ? C’est ce qu’a recherché l’équipe d’Emmanuelle Kesse-Guyot (INRA-INSERM, U Paris) en s’appuyant sur la cohorte  « Nutriment » de 68 946 personnes (dont 78% de femmes et de 44,2 ans d’âge moyen) suivies pendant 7 ans (2009-2016) et classées en groupes allant d’une consommation de produits Bio régulière à occasionnelle.

Au cours de cette période 1340 nouveaux cas de cancers ont été recensés. Dont 459 cancers du sein, 180 cancers de la prostate, 135 cancers de la peau, 99 cancers colorectaux, 47 cancers du sang (lymphomes non-Hodgkiniens), et 15 autres lymphomes. Dans le groupe « gros mangeurs bio » la fréquence de l’ensemble des cancers est de -25%, avec -34% pour les cancers du sein  de femmes post-ménopausées, et -76% pour les lymphomes.

Tout cela est bien séduisant mais les résultats appellent à plus de prudence que ne l’ont fait les médias lors de la sortie de la publication parue dans le JAMA, Internal Medicine (2). En effet, de nombreux biais sèment le doute : les consommateurs réguliers de produits bio ont un certain niveau social et pratiquent l’exercice physique, bénéfique pour la santé. Si la cohorte est d’une bonne taille, la durée de l’étude aurait dû être plus longue. De plus, le nombre de cancers détecté est relativement faible. Enfin, les paramètres sont basés sur les réponses à un questionnaire qui ne traduit pas toujours fidèlement le mode de vie. D’où l’intérêt de faire des études d’intervention (études cliniques cas/témoin). Si les auteurs se sont affranchis de l’âge, du sexe, du tabac ou de l’obésité, en revanche ils ne donnent pas d’information sur le statut médicamenteux qui peut influencer sur le risque  de cancer.

Les résultats de cette étude doivent néanmoins être considérés comme intéressants mais il faudra les confirmer et établir les liens de cause à effet.

Le rôle protecteur d’une consommation régulière de fruits et de légumes

La diminution de risque de cancer pour les cancers de la sphère digestive (bouche, pharynx, larynx, œsophage, estomac) est corrélée avec une consommation de fruits et de légumes. L’effet bénéfique des fruits et des légumes serait dû à leur teneur en microconstituants ou micronutriments comme les polyphénols ou les vitamines, capables d’agir sur des mécanismes potentiellement protecteurs. De plus, les fibres apportées par les fruits et les légumes diminuent les risques de cancer du côlon en activant le transit intestinal.

Ceci corrobore les bienfaits de la diète méditerranéenne.

La cuisine méditerranéenne est reconnue pour ses bienfaits sur la santé, les principaux ingrédients sont l’huile d’olive riche en acides gras poly-insaturés (ou oméga 3) ; des fruits et des légumes, riches en polyphénols anti-oxydants ; des céréales, riches en fibres ; des fruits à coque (noix) ; des épices et des aromates, le tout accompagné de boissons ou d’infusions, dans le respect des croyances.

A retenir. De cette étude sur le Manger Bio et la protection contre le cancer, même si elle présente des faiblesses, il n’en demeure pas moins qu’une alimentation saine et une bonne hygiène de vie perment de retarder l’apparition de pathologies.

Références

1-Foucart S, Santi P. Manger bio réduit les risques de cancer. Le Monde, mercredi 24 octobre 2018, p 8.

2- Baudry J, Assmann K E,    Touvier M, … et Kesse-Guyot E.  Association of Frequency of Organic Food Consumption With Cancer RiskFindings From the NutriNet-Santé Prospective Cohort Study. JAMA Internal Medicine, 22 octobre 2018

Norbert Latruffe

Professeur Émérite à l’Université de Bourgogne, Dijon

Chercheur bénévole au laboratoire de Biochimie

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