À quand la détection précoce des cancers ?

Les méthodes actuelles de détection et de diagnostic, comme l’imagerie, révèlent des cancers, alors qu’ils sont déjà établis depuis plusieurs mois ou années. De fait on sait que plus un cancer est détecté tôt, plus les chances de guérison sont élevées.

Aussi, le challenge est de pouvoir détecter dans le sang des éléments cancéreux (1). C’est déjà le cas des cellules métastatiques circulantes, ou des éléments dérivés, mais là on est loin des tumeurs primaires. Or, une équipe américano-sino-suédoise (2) considère avoir identifié des marqueurs sanguins capables de révéler très précocement 5 types de cancers (estomac, œsophage, côlon, poumon et foie) chez des sujets asymptomatiques avec une différence de 4 années plus tôt que ne le permet le diagnostic classique.

Le test repose sur la détection de petites séquences d’ADN  qui possèdent des motifs « CpG », c’est-à-dire une succession des bases nucléiques « Cytosine » et « Guanine » reliées par du « phosphate ». Or certaines de ces séquences subissent une modification chimique appelée « Méthylation » (ajout de groupes (CH3)). Ce processus n’est pas génétique (héritage de la descendance) mais épigénétique. Les profils de méthylation de l’ADN varient selon le type de cellules (rein, foie, peau, cerveau, …).

Protocole

De 2007 à 2014, chez 123 115 sujets chinois de la ville de Taizhou, âgés de 25 à 90 ans, en bonne santé au début de l’étude, et suivis sur le plan médical, des échantillons de leur sang ont été prélevés régulièrement. Sur l’ADN sanguin, l’équipe (2) a analysé la méthylation de 10 613 sites CpG, correspondant à 477 régions déjà connues pour être méthylées différemment dans des cancers. Dans la cohorte, 575 sujets (4,6/1000), au départ asymptomatiques, ont développé un cancer dans les quatre ans qui ont suivi : poumon (142), œsophage (124), estomac (119), colorectal (102), ou foie (88).

Résultat

Après mise au point des algorithmes, les auteurs sont parvenus à détecter 95 % des cancers asymptomatiques dans les quatre années avant le diagnostic. De plus, ils ont détecté 88 % des cancers déjà diagnostiqués avec une spécificité de 96 % pour les cinq localisations de cancer.

Questions non encore résolues

Si ce test baptisé PanSeer ou CancerSEEK est une indéniable avancée technologique, des questions restent encore en suspens ou des résultats doivent encore être validés.

– logiquement la quantité d’ADN tumoral circulant dépend de la masse tumorale, d’où la détection d’ADN métastatique plutôt que de cancers primaires précoces.

– abaisser encore la sensibilité

– augmenter la cohorte

– valider sur d’autres types de cancers, les tumeurs du pancréas moins vascularisées, la barrière hémato-encéphalique pour les tumeurs du système nerveux. Et peut-être même des maladies neurodégénératives ?

– rester conscient que le marqueur « Méthylation » dépend de l’âge et varie avec les populations

Objectifs

Détecter des cancers non encore détectables par l’imagerie traditionnelle, chez des patients asymptomatiques.

But : réaliser ces tests sanguins en routine lors d’un bilan de santé annuel. Coût évalué à 400$.

Choix et efficacité des thérapies (détection de rechutes ou de résistance aux traitements).

Eviter la tentation du surtraitement de patients qui auraient une tumeur bénigne et qui n’aurait pas évolué, même sans soins.

Il ne fait aucun doute que le graal sera atteint tôt ou tard.

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Références

1- Florence Rosier. Un test sanguin pourrait détecter un cancer quatre ans avant son diagnostic classique. Le Monde mercredi 29 juillet 2020 p 19

2- Équipe de Kang Zhang. DNA methylation markers for diagnosis and prognosis of common cancers. Proc Natl Acad Sci U S A. 2017 Jul 11;114(28):7414-7419

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Norbert Latruffe
Professeur Émérite à l’Université de Bourgogne, Dijon
Chercheur bénévole au laboratoire de Biochimie

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