« Mon petit infirmier, m’appelait-il à ce moment-là »

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Freddy, 26 ans

Quand et de quelle manière avez-vous appris le cancer de votre papa ?

« Je me souviens précisément de ce moment. C’était en juin 2019, il faisait très beau, très chaud. Je déjeunais à l’extérieur avec mes collègues, on était sous l’Église Notre-Dame-de-Lorette à Paris. J’ai reçu un appel de ma mère. J’ai immédiatement décroché et je me suis mis à l’écart. Il faut savoir que depuis un moment, mon père ne se sentait pas très bien. Il enchaînait les examens et forcément on attendait de savoir ce qu’il se passait. Quand j’ai vu l’appel de ma mère, j’ai donc décroché immédiatement. Ils étaient partis aux urgences tous les deux. Ma mère a pris les choses en mains en voyant que les rendez-vous importants mettaient du temps à arriver. Ils sont restés toute la nuit aux urgences. Son appel, c’était le lendemain durant ma pause déjeuner, donc vers 13 heures, que j’ai eu ce retour. Elle m’a annoncé alors, en larmes, que mon père est atteint d’un cancer stade IV. Un cancer du rectum. C’est un immense coup de massue qui s’abat sur moi. C’est comme si tout autour le monde s’était mis sur pause. Je ne voyais pas trop ce qui se passait, je ne captais plus grand chose. J’avais l’impression d’être vide d’un coup, c’était le choc. On imagine toujours le pire mais quand on nous l’annonce c’est différent. Donc j’ai essayé de comprendre. Je posais beaucoup de questions à ma mère je me souviens. A la fin, la pauvre, elle ne pouvait plus répondre parce qu’elle était dans le même état que moi. Elle n’était pas bien du tout, elle était effondrée. J’ai essayé de me ressaisir, j’ai soufflé, et j’ai tenté de la rassurer au mieux. Je lui ai dit : « maman, on va le soutenir, on va se soutenir entre nous ». Ensemble, avec mes frères. On est une famille soudée, on l’a toujours été et c’est là qu’on va le prouver, même si on a besoin de le prouver à personne parce qu’on le savait déjà. C’était le mode combatif qui a commencé à arriver. C’était un peu comme le premier jour du reste de ma vie. Le jour où tout a basculé. »

Comment avez-vous vécu le parcours de sa maladie ?

« La maladie qui le touchait, ce cancer, parce qu’on a toujours peur de ce mot et en fait on n’essaye pas de comprendre les détails de la chose. Avant je ne savais même pas qu’il y avait plusieurs stades aux cancers. Maintenant je suis un peu rodé. J’ai essayé vraiment de comprendre ce que tout ça signifiait, les chances que mon père pouvait avoir de de guérison, de survie. J’ai assez vite compris ce qui allait se passer. Le lendemain, je suis parti de Paris. Je suis allé en Bretagne, où est ma famille et d’où je suis originaire. J’ai directement été voir mon papa. De la gare je suis directement allé le voir. Je ne savais pas trop comment je me sentais ni qu’elle image j’allais lui montrer et finalement assez naturellement je me suis un peu blindé. J’ai mis une armure, j’étais très optimiste devant lui, je me suis dit qu’il fallait que je lui donne de la force, du courage. Que ce n’était pas le moment d’avoir de la peine. Pour mon cas c’était un peu un deuil qui commençait, un pré-deuil si je puis dire, que l’on a vécu ensemble, sans qu’on se le dise. J’ai tenté de comprendre au mieux ce qui se passait, d’être curieux auprès du personnel soignant parce que comme on n’est pas du tout du métier dans la famille c’est vrai que c’est toujours délicat de comprendre. Je suis resté une semaine, dix jours il me semble, puis j’ai dû revenir à Paris puisque j’avais mes partiels, j’étais en alternance à l’époque, et j’avais mes partiels de fin d’année de master a réalisé pendant cet été. Je n’avais pas du tout la tête à ça, vous pouvez imaginer, mais j’ai réussi et il faut dire que ça m’a beaucoup aussi motivé et ça m’a donné beaucoup de force, même si c’était compliqué. Je voulais qu’il soit fier de moi. Je suis assez content de moi aujourd’hui parce que j’ai réussi. De là, je suis rentré en Bretagne, j’ai déménagé de Paris pour rester en Bretagne tout l’été. J’ai fait le choix d’y rester pendant les deux mois au moins pour accompagner mon papa, pour soulager ma mère qui vivait avec lui et mes frères puisque du jour au lendemain ils ont dû faire face aussi à ça. Ils ont dû reprendre l’entreprise familiale de mon père et de mon oncle. J’ai accompagné mon père pendant tous ses rendez-vous de chimio. J’ai essayé de m’occuper de lui, de prendre soin de lui, de veiller à son régime, à ses soins… De tout faire pour prendre bien soin de lui. « Mon petit infirmier », m’appelait-il à ce moment-là, je me souviens. C’est étonnant, mais c’est vrai que cette période c’était la période durant laquelle j’ai été le plus proche de mon père. C’est déconcertant mais c’était une façon assez pudique envers l’un et l’autre de se dire qu’on s’aimait et qu’on était là l’un pour l’autre. Cinq mois après le diagnostic de cette maladie, mon père s’en est allé. Le cancer a été plus fort que lui, malgré un combat acharné et une lutte. Le cancer stade IV est rarement guérissable. Ça a été un choc émotionnel, une injustice évidemment on se dit mais comment ça peut nous arriver, tout allait très bien et il faut qu’il y ai ce coup de massue qui arrive. L’inconnu à apprivoiser, essayer de comprendre, de vivre avec puisqu’on n’a pas le choix et surtout combattre. L’aider à combattre et nous aussi de notre côté émotionnellement de voir ce combat c’est compliqué. On n’a pas le choix, il faut le faire. »

Aujourd’hui, qu’est-ce qui a changé dans votre vision de la maladie ? Dans votre vie en tant que proche de malade ?

« Après quelques mois à Londres, où je suis parti un peu pour m’apporter du changement, découvrir de nouvelles choses, une nouveauté, peut-être aussi beaucoup pour fuir la triste réalité des choses, me voilà de retour à Paris. Paris qui accueille, je pense, un homme différent de celui qu’il a laissé. Un jeune actif avec la tête froide, un peu plus conscient des choses, moins innocent et naïf. Quelqu’un qui est de plus en plus optimiste malgré cela, qui a une forte ambition, motivation, et qui va la garder. Aujourd’hui, j’essaye d’aller de l’avant puisqu’il faut. On n’a pas le choix. Je me dis aussi que mon papa n’aurait pas voulu que je me laisse aller. Donc aller de l’avant, être plein d’optimisme, penser à ma carrière, essayer de faire les meilleurs choix possibles, me concentrer dessus bien sûr et aussi continuer à être présent pour mes proches puisqu’on était très soudés avant, que soit ma famille, mes amis proches, mais on l’est encore plus aujourd’hui avec cette épreuve. Quand quelque chose de douloureux nous réunit encore plus. Pendant ce combat j’ai vu le magnifique travail de la Ligue contre le cancer et je m’étais promis à moi-même qu’un jour viendra où moi aussi je serai bénévole à la Ligue et j’essayerai de donner de mon temps libre pour aider les gens et c’est ce que je fais aujourd’hui. C’est actuellement un petit peu difficile avec la situation actuelle mais il me tarde d’assister à des événements, d’aider la Ligue le plus possible. »

Avez-vous un message à adresser ?

« Ça peut nous arriver à tous, on n’est pas à l’abri. On pense que l’on peut éviter ce malheur, que c’est que chez les autres, mais non. Ça nous arrive à nous aussi, tôt ou tard. C’est pour cela qu’il faut veiller à profiter de la vie surtout et être présent pour ses proches, veiller à leur santé, veiller à sa santé, qu’on soit jeune ou un peu plus vieux. Une vie on en a qu’une, il faut la savourer même si parfois c’est difficile. Ces moments difficiles nous font rappeler que justement on a qu’une vie, qu’elle est très précieuse et il faut essayer d’en faire quelque chose de beau. Il faut voyager, oser faire des choses qu’on n’a jamais osé faire auparavant, essayer de ne pas reporter au lendemain ce qu’on peut faire le jour même. Un message assez optimiste, encore une fois, et plein d’espoir malgré tout. »

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